Niamey, lundi 20 août 2007
Hola Tutti!
Une connexion internet toute relative à Niamey et inexistante à Filingué explique pourquoi nous n’avons pas posté des news plus tôt.
Allah a été clément et a bien voulu que nous récupérions notre valise brune la nuit de mardi 7 août (cfr plus bas, à la date du 7 août). Je vous passe les Xe retrouvailles avec la famille japonaise, le médecin allemand et la coopérante belge qui avaient également fait le voyage depuis Tripoli. C’était presque drôle. On a tous récupéré nos bagages.
Nous sommes habitant de Filingué depuis le 8 août dernier. Accueil très chaleureux de Maman (le coach nigérien d’Henri, prononcez chaque lettre) et de Awah, son épouse. Cadeau de bienvenue et repas à la nigérienne. Awah est un sacré bout de femme, hyper énergique. Je crois que nous pourrons bien nous entendre.
Nos premières nuits à Filingué
Alors notre maison… Stop aux rumeurs les plus folles … Nous sommes (enfin, serons)
bien installés. Les murs et le sol sont fait de plâtre et de béton. L’intérieur a été repeint d’un jaune paille léger et agréable. Nos meubles sont sortis neufs et fraîchement vernis de la menuiserie.
Bon, c'est toujours un peu le camping. Le propriétaire n'a sans doute pas placé dans ses priorités la fourniture du salon, des étagères et d'une cuisinière digne de ce nom. Mais de l'espace, on en a. Un living, une salle de bain et trois chambres.
On s'est très vite fait plein d'amis. Les cigales, les souris et chouettes sont venues partager nos premières nuits. Pas de moustiquaires aux fenêtres et des trous dans le toit: ça doit sans doute signifier en langage animale : «
Rendez-vous tous les soirs dès 22h chez Nath et Henri. On s'éclate. »
Une fois la nuit tombée, donc, tout ce petit monde festoyait entre toit et plafond. Le hic : un trou dans le plafond de chaque pièce. Autrement dit : possibilité de voir tomber cette ménagerie sur le sol de nos pénates...C'est là que nous avons mesuré le confort qu'offre la moustiquaire de compet' qui englobe le lit... Bref, au bout d'une semaine, les mousitiquaires des fenêtres ont fini par être placées et un maçon est venu reboucher les trous. Quant à moi, ces expériences nocturnes m'ont presque blasées. Désormais, crickets, cafards et autres insectes bizarroïdes peuvent me tourner autour sans que je ne me sente violemment agressée…
Un petit mot sur le jardin : pas d'herbe (faut pas rêver, on est quand même à la frontière du Sahara) mais une terrasse, de quoi faire un potager et un auvent sous lequel nos deux hamacs se balancent déjà...Difficile de faire mieux pour la sieste!
Filingué, en quelques mots, en attendant les photos
Pas de doute, l’Afrique profonde c’est notamment ici. Des falaises surplombent la ville, témoignage d'une époque révolue : une large rivière coulait dans la région, il y a bien longtemps. Avec la saison des pluies de vastes plans d'eau s'étirent aux pieds de la roche. C'est là que vont se désaltérer les bovins des environs. Paysage tout à fait charmant.
Une seule route goudronnée, le reste des voies est fait de sable, de terre ou d’eau. Les maisons sont pour la plupart composées de terre et de paille. La place centrale du village accueil la batte dominicale locale (remplacez les lapins et les poulets par les pintades, les chèvres et les chameaux)…
« Et toi Nath, tu vas faire quoi au Niger? »
Oubliez le cliché : « Niger = pays africain = pauvre = infrastructure inexistante» Sur les hauteurs de Filingué, une antenne radio émet à "50 km" à la ronde, depuis le mois de juin 2007. Sous cette antenne, un studio radio doté d'un matériel de professionnel. Bon, ok, rien à voir avec le design et le confort que j'ai connu place Cathédrale ou Avenue Ariane. Mais la plupart des ingrédients pour une radio de qualité sont rassemblés.
C'est essentiellement à "l'Agence intergouvernementale de la Francophonie" que Filingué doit sa radio. La ville a été insérée dans un programme national de mise en place de dix radios communautaires rurales. Ici, d'autres partenaires sont intervenus comme le jumelage d’Athis-Mons/Filingué (dont Henri vous a déjà parlé), mais aussi le gouvernement suisse.
Radio communautaire rurale, ça ne signifie pas Radio locale façon
Vivacité ou
Liègeinfo façon RTBF ou RTL. L'objectif ici, c'est le développement durable. Plusieurs raisons ont poussé "la Francophonie" et le gouvernement nigérien dans ce projet, en voici les principales: la radio est le média le plus répandu en Afrique, il est donc le plus adéquat pour collecter et diffuser des informations visant à l'amélioration des conditions de vie des populations. Mais aussi pour instaurer un véritable dialogue, appuyer la décentralisation, impliquer les populations et facilité leur participation dans la prise en charge de leurs besoins. Un exemple tout à fait fictif : imaginez une sécheresse suivie d'une famine. Les campagnes de soutien à l'alimentation de base, menées par les organismes type Croix Rouge, FAO ou MSF pourraient être menée en collaboration avec la radio communautaire de Filingué. Pour une communication simple et efficace des informations essentielles à la survie. Moins tragiquement, au quotidien, la radio communautaire de Filingué va promouvoir l'éducation des jeunes, le droit des femmes, la santé, le savoir et les savoir-faire traditionnels,...
« Va promouvoir », parce qu'ils n'en sont pas encore là. Pour l'instant la diffusion se limite à deux heures d’émissions quotidiennes 7j/7, essentiellement de la musique, avec un peu d'animation.
Assumer une programmation radiophonique à deux ce n'est pas simple. Et encore plus compliqué sans connexion internet, sans véhicule, ni argent, ni expérience. Mais Idrissa (chef de station) et Abdoul (chef technicien) ont les têtes pleines d’idées et une furieuse énergie pour faire de leur radio un pôle hyper dynamique de Filingué. Une "furieuse énergie", aussi parce que pour l'instant, leurs prestations sont bénévoles.
Quelques règles à respecter toutefois : publicité, religion, politique, journaux parlés et sports sont interdits sur antenne. La grille sera toute entière vouée à l'amélioration des conditions de vie des habitants de Filingué et de ses environs. Seule l'actu directement liée au développement et à la région sera autorisée.
Idrissa et Abdoul ont élaboré une nouvelle grille des programmes. Le gouvernement devrait donner son accord assez rapidement. A partir de là, nous confectionnerons un dossier en béton pour trouver partenaires et bailleurs de fonds. Mes allers-retours réguliers entre Niamey et Filingué me permettront de puiser ce qui est nécessaire sur internet mais également de rencontrer les partenaires potentiels.
Leur proposition et mon accord pour remplir les fonctions d'assistante gestionnaire et technique sont consignés dans le p.v. de la dernière réunion du Comité local de Développement de Filingué, gestionnaire de la radio. Pas de contrat signé mais un long entretien avec les membres de ce comité : enseignants à la retraite, représentant des autorités et des ONG, femmes du villages, griots (sages et conteurs)...Leurs regards, leur accueil, leurs discours valent tous les contrats du monde. Difficile de faire le tri entre les « politesses à la nigérienne » et leur sincérité. Mais les espoirs qu'ils renferment dans ce projet sont herculéens. Et non seulement la mission qu'ils me confient me plait, mais je suis aussi persuadée de son intérêt.
Par ailleurs, je vais sans doute faire un peu de consultance en communication avec l'une ou l'autre ONG de Niamey. Quelques rendez-vous prévus cette semaine mais rien de concret pour l'instant. Je ne vais donc pas m'étalez plus longtemps là dessus.
Soyez patients, qu'ils disaient...
Voilà pour les débuts de notre vie au Niger. Je pourrais aussi vous parler d'Alassane, notre voisin touareg de 11 ans qui vient nous rendre visite trois fois par jour. De Matt, 24 ans, rappeur de Filingué. De Salissou, notre gardien de 28 ans, qui envisage de se marier d'ici un mois. D'Alka et de ses adorables enfants. D'Emilie, coopérante française à Filingué. De Miki, coopérante japonaise à Filingué. De la communauté des expats de Niamey avec qui nous avons passé du temps ce week-end...Mais on va en garder un peu pour la suite.
Nous avons un an de cyber communication devant nous. Et puis je ne voudrais pas vous empêcher de travailler plus longtemps...
Un dernier mot : un habitant de Filingué m'a expliqué qu'en Afrique,
la Patience, c'est une vertu...Nous ne pouvons que lui donner raison jusqu'à présent. Rien n'est simple, ici. Ou plus exactement, pour ne pas tomber dans les considérations ethnocentriques, je dirais qu'ici, le Belge doit modifier son mode organisationnel. Anticiper. Accepter de suer, au propre comme au figuré. Et beaucoup patienter. Par exemple, le fonctionnement des GSM est tout relatif. Idem pour internet. Si nous traînons pour donner des nouvelles, ce n'est pas par paresse. C'est parce qu'ici, décrocher son téléphone ou appuyer sur un bouton d'ordinateur ne suffit pas pour communiquer.
Ce qui ne doit pas vous rebuter de tenter le coup
Henri : 00 227 96 38 88 20
Nath: 00 227 96 03 83 65
En tout cas, on pense à vous et on vous embrasse fort!
Nath (toujours à Niamey) et Henri (rentré à Filingué)
Niamey, mardi 7 août 2007
Aéroport de Tripoli mercredi 1er août. 19h30, enfoncée dans mon siège, à côté de la porte de secours, déjà ½ heure d'attente sur le tarmac. Sans le savoir, je reçois les premiers indices de mon prochain défi: “Mesdames, messieurs, veuillez nous excusez du retard, mais les bagages sont très nombreux, nous avons besoin de temps pour le chargement, nous ne décollerons pas avant vingt minutes.” En moi même: “Prenez votre temps les cocos, mais ne laissez pas mes deux valises sur la piste. Trois jours de courses intensives, deux jours d'empaquetages, de nombreux débats avec Henri pour finaliser leur contenu, ces deux valises, elles débarquent avec moi, à Niamey, ce soir, vous n'avez pas le choix.” Trente nouvelles minutes s'écoulent et c'est parti. Reste à survoler le Sahara en diagonale et je retrouve Henri.
Aéroport de Niamey. Une foultitude d'hommes habillés de bleu circulent et proposent leurs services. Dans leur dos les lettres blanches 'Porteurs' font comprendre que leur job est officiel et que le danger d'arnaque est inexistant. De toute façon, l'un d'entre eux s'est déjà emparé d'Henri.
Les retrouvailles se limiteront en un tendre bisou sur la joue. Pas de signes débordants de notre affection l'un pour l'autre, en terre musulmane, c'est mal venu.
Notre homme en bleu ne tarde pas à nous annoncer la nouvelle. “Pas de bagages. - Comment ça pas de bagages? - Aucune valise n'a quitté l'avion. L'avion a déjà redécollé, d'ailleurs, destination Bamako. - Ah? Et c'est quand qu'on les récupère nos valises? - Pour ça, il faut aller au bureau des litiges...”
Bureau des litiges, donc. Je suis loin d'être la seule. Comme les autres, je laisse les numéros des étiquettes collées sur nos valises, le GSM nigérien d'Henri, mes nom et prénom. On me dit de revenir la nuit de vendredi à samedi vers 1h du matin. C'est le prochain vol en provenance de Tripoli. Ok, à vendredi alors...Mieux vaut prier Saint-Antoine ou Allah?
Vendredi. Je me poste à l'entrée du tapis roulant. En me penchant, je peux même apercevoir les gars déposer les bagages sur le tapis. Nondidjou. Trois jours de courses intensives, deux jours d'empaquetages et de nombreux débats avec Henri...JE VEUX NOS BAGAGES.
Voilà la valise noire. La plus grosse. Celle qui renferme les maillots, le disque dur, le pydjam, quelques fringues. Quelques bouquins. Pas de valise brune en vue. Mais je dois dire que je suis à moitié consolée. Demain, un plongeon dans la piscine est possible. Et nos soirées à Filingué seront agrémentées de films et de musique, comme prévu.
Retour au bureau des litiges. “A quand la prochaine valise? Et elle est où d'ailleurs cette valise? - Cest un problème de chargement, madame. Les bagages sont restés à Tripoli. Revenez la nuit de dimanche à lundi, il y a un nouveau vol en provenance de Tripoli. - Mmmgrmblbrgrr OK”.
Dimanche. Aéroport de Niamey. Là, je suis de mauvaise composition. Je sors d'une poussée de fièvre qui a du dépasser les 39 degrés (ça restera un mystère vu que le thermomètre est dans la valise brune). Et je vous passe les détails de la véritable guerre que ces bactéries nigériennes ont déclaré à mes pauvres intestins. A coup de siestes, d'antibiotiques et de bons soins d'Henri, j'ai pu me traîner jusqu'à l'aéroport...Pour des prunes! Pas de valise brune. Deux fois que je reviens, deux fois que je retombe sur ce médecin allemand, cette famille japonaise, cette coopérante belge avec qui j'ai fait le voyage depuis Tripoli. Il semble qu'on doive s'estimer heureux. Eux n'ont reçu aucune de leurs valises.
Retour au bureau des litiges. Cette fois la porte est close. Je bouillonne à l'intérieur mais impossible de faire un scandale, les bactéries m'ont pris ce que mon système nerveux contient d'énergie dans ce genre de situation. Selon la rumeur, le prochain vol en provenance de Tripoli c'est mardi à 21h30. Inch'Allah.
Aujourd'hui j'ai retrouvé la forme. Suffisamment pour faire comprendre par téléphone au trois types d'Afriqiya Airways qu'ils seraient bien aimables de rapatrier de toute urgence notre valise brune, de Tripoli vers Niamey. Parce que dedans il y a la pharmacie, les cables de l'ordi, de l'appareil photo, des bouquins, les jeux, les multiprises, les essuies, bref le minimum vital pour un séjour agréable à Filingué.
Avec tout ça, je n'ai encore rien vu de Filingué et je trépigne d'impatience de voir notre nouveau village, notre maison, notre jardin, nos voisins,...Arrivée espérée ce mercredi, avec valises noire et brune. On m'avait dit qu'en Afrique il fallait être patient. Le savoir c'est une chose, le pratiquer, c'est pas la même chose.
On revient avec des news de Filingué.
Je vous embrasse
Nath